RIMBAUD AUX SIENS

Harar, 4 mai 1881

Chers amis,

Vous êtes en été, et c’est l’hiver ici, c’est-à-dire qu’il fait assez chaud, mais il pleut souvent. Cela va durer quelques mois.

La récolte du café aura lieu dans six mois.

Pour moi, je compte quitter prochainement cette ville-ci pour aller trafiquer dans l’inconnu. Il y a un grand lac à quelques journées, et c’est en pays d’ivoire : je vais tâcher d’y arriver. Mais le pays doit être hostile.

Je vais acheter un cheval et m’en aller. Dans le cas où cela tournerait mal, et que j’y reste, je vous préviens que j’ai une somme de 7 fois 150 roupies m’appartenant déposée à l’agence d’Aden, et que vous réclamerez, si ça vous semble en valoir la peine.

Envoyez-moi un numéro d’un journal quelconque de travaux publics, que je sache ce qui se passe. Est-ce qu’on travaille à Panama ?

Écrivez à MM. Wurfter et Cie, éditeurs à Zurich, Suisse, et demandez de vous envoyer de suite le Manuel du Voyageur, par M. Kaltbrünner, contre remboursement ou comme il lui plaira. Envoyez aussi les Constructions à la mer, par Bonniceau, librairie Lacroix.

Expédiez à l’agence d’Aden.

Portez-vous bien. Adieu.

A. RIMBAUD.